Dans le cimetière, les snipers
Ecoutez le témoignage
Dans le printemps ‘94 je suis passé près du cimetière sur la colline de la ville où, au milieu des vieilles tombes musulmanes, des enfants jouaient «à la guerre». Ils imitaient les snipers qui, du haut des collines, visaient leurs cibles. Parmi les photos j’ai choisi celle où Jasmin et Dzenan étaient ensemble, mais, à ma surprise, je découvre qu’ils ne se connaissaient pas, et qu’ils avaient juste joué quelques jours ensemble lors du déplacement de leurs familles dans ce quartier.
On est retourné au même endroit, qui a bien changé depuis. Ils ont entamé une conversation en essayant de faire remonter les souvenirs de cette période.
Dzenan : Mon Dieu, cela fait si longtemps. On était si petits et si on s’était rencontré dans la rue ou dans un café on ne se serait pas reconnus. C’est un ami de mon frère qui a vu la photo dans le magasin près du cimetière et qui m’a reconnu et conduit le photographe chez moi. Après mes parents t’ont reconnu. Moi, je ne pouvais pas me souvenir de ta tête ni des enfants avec qui je jouais à l’époque.
Jasmin : Moi non plus. On a vécu près du cimetière pendant le siège. Nos maisons étaient dans des zones à trop haut risque. Mais après on s’est perdu de vue. C’est donc grâce à cette photo si on se retrouve. Moi, je suis en première année d’école générale…
Dzenan : Moi, je suis en première année d’école de tourisme. J’espère de bien terminer mon année.
Rien de vraiment important chez moi. Je m’entraîne au handball, mais je le fais pour éviter de rester dans la rue et bien sûr je cours derrière les filles!
Jasmin : Moi aussi je traîne derrière les filles. Mais comment va ta famille là haut, à la maison…
Dzenan : comme d’habitude, mon frère va bien, son travail marche bien. Tout va bien et toi ?
Jasmin : Bien. J’ai eu un petit frère…
Dzenan : Quel chance… il vaut mieux avoir un frère qu’être tout seul mon ami.
Jasmin : C’est sûr. Est-ce que qu’il y a des filles dans ton école.
Dzenan : Les chances sont minces … Mais il y en a en ville. Sarajevo est pleine de belles filles. Il suffit de bouger un peu; elles sont partout! Où est que tu sors?
Jasmin : Je fréquente beaucoup de petits cafés dans le centre et à Bascarsija. Peut-être dans les mêmes où tu vas, mais comme je t’ai déjà dit on ne se serait pas reconnus. Enfin maintenant ça va être différent, du moins j’espère.
Dzenan : Dis donc, tu me laisses ton adresse e-mail?